• L'Affaire de l'Athos, au tournant de la révolution

    AthosIl allait se produire en Algerie un certain nombre d'événements d'importance majeur avant qu'une bataille sans merci opposat dans la capitale les réseaux de Yacef Saadi, dirigés par le mystérieux C.C.E., aux parachutistes de la 10em D.P.
    L'hypotaise selon laquelle l'Ėgypte était le nerf moteur de la révolution algérienne aller s'affirmer.

    La capture du yacht -qu'on croit- égyptien l'Athos au large d'Oran confirmera -à l'époque- Guy Mollet dans son projet d'écraser Nasser et de tarir ainsi les ressources logistiques de la révolution algérienne. Le contexte international, avec l'affaire du canal de Suez, servait merveilleusement ses projets.

    Le 16 octobre a l'aube, les services d'écoute de la base aéronavale de Mersa el-Kébir localisaient un appel radio provenant d'un batiment non signalé. Ce bref message apportait un renseignement de première importance: l'Athos, tel était le nom du batiment, il était chargé d'armes a destination de Nador au Maroc.

    Le radio de l'Athos, Nicolas Cocavessis, grec d'origine, aventurier parlant parfaitement francais, anglais, arabe, italien, espagnol, grec et un peu allemand, avait déja, au cours d'une vie mouvementée, servi d'informateur aux services spéciaux francais. Son message allait permettre a la marine francaise de faire sa plus belle prise au point de vue (armement) et a la politique francaise de prouver l'ingérence de l'Ėgypte dans le probléme algérien. A 10h30, l'escorteur Commandant-De-Pimodan arraisonnait l'Athos au large des cotes d'Oranie.

    Tout commence quand Ben Bella, qui, en butte aux accusations des chefs de l'interieur, avait réussi a convaincre l'Ėgypte qu'il était temps de sortir de sa torpeur et d'aider efficacement la révolution algérienne dont il était le représentant au Caire.
    Nasser avait compris que la rėvolution algėrienne était en marche et qu'elle se développait a une vitesse vertigineuse. Il s'apercevait en outre que Ben Bella, le seul membre de la délégation du F.L.N. au Caire avec qui il  entretient des relations cordiales, amicales même, était en perte de vitesse. Il fallait que le Raïs redôrat son blason et acceptat de servir d'intermédiaire officiel pour les achats d'armes que le F.L.N. avait maintenant les moyens d'effectuer. Peut-être aussi conviendrait-il à l'Ėgypte de faire un «petit quelque chose» a titre personnel.

    Aprės trois livraisons d'armes peu importantes effectuėes en 1955 en zone espagnole du Maroc par les yachts Dina et Intissar, armes qui avaient servi a équiper partiellement quelques hommes de la frontiėre marocaine et n'étaient pas parvenues a l'interieur -ce qui expliquait la querelle Abane-Ben Bella, et Abane-Boussouf par la suite-, les services secrets égyptiens décidèrent de livrer un importan chargement en octobre 1956.

    C'est le major Fathi Ed-Dib, chef de la section Afrique du Nord des services spėciaux égyptiens, qui monta lui-meme l'opėration avec un luxe de précautions qui prouve a quel point Nasser était réticent a se meler a l'affaire Algėrienne tout en redoutant de laisser passer l'occasion d'exercer son leadership sur une future nation arabe indėpendante par «Ben Bella interposė».

    Fathi Ed-Dib avait recruté dés 1955 un commercant-armateur servant de couverture pour des opérations de services secrets, Ibrahim En-Nayal. Ce dernier passa au nom de l'Ėgypte a la Fabbrica Nazionale di Arme une commande de 80 000 dollars representant 1 000 mitraillettes, 6 canons antiaériens, 360 fusils et les munitions afférentes. Il acheta ensuite en Angleterre, surveillé par Fathi Ed-Dib, un yacht de 18 millions, le Saint Briavels, qu'il conduisit a Beyrouth.

    Le 10 juillet 1956, a l'hotel Riviera de Beyrouth, se retrouvérent Fathi Ed-Dib, Ben Bella et le representant F.L.N. a Damas, Mehri Abdelhamid, qui remit a l'armateur 2 000 livres égyptiennes pour couvrir diverses depenses concernant le navire. Fathi Ed-Dib et Ben Bella, aprės avoir visité le Saint Briavels, le baptisérent Athos. Ibrahim recut ensuite l'ordre, fin septembre, de rallier Alexandrie aprés avoir licencié tout l'équipage égyptien de l'Athos et de le remplacer par un équipage étranger, européen si possible. Il s'agissait d'une mesure de prudence pour ne pas compromettre le gouvernement égyptien dans le cas ou le navire serait controlé hors d'Ėgypte.

    C'est a ce moment que Nicolas Cocavessis réussit a se faire engager comme radio par l'armateur des services spéciaux.

    Le 27 septembre, Ibrahim En-Nayal fut convoqué au domicile personnel du major Fathi Ed-Dib, qui lui remit 1 080 livres representant les frais de mazout et d'approvisionnement pour un voyage Alexandrie-Nador (Maroc-espagnol).

    Le 4 octobre au matin, l'Athos chargé de cent tonnes d'armes par une cinquantaine d'hommes en civil surveillés par des officiers et sous-officiers de l'armée égyptienne,  quitte pour le lieu fixė sur la cote marocaine pour le débarquement du chargement qu'attendait Boudiaf. Six passagers clandestins -des Algėriens specialistes du sabotage et des liaisons radio formés par l'Ėgypte- prendraient place a bord de l'Athos qui voyagerait sans pavillon.

    Le message de Nicolas Cocavessis mit fin, le 16 octobre, au premier voyage de l'Athos et permit a l'armėe francaise de récupérer le premier chargement d'armes important provenant d'Ėgypte. Le rôle du radio fut bientôt connu du F.L.N. qui le condamna a mort et le pourchassa jusqu'en Gréce. Cocavessis dut se réfugier en Afrique du Sud, puis remonta en Ėthiopie a Addis-Abeba.
    L'arraisonnement de l'Athos  eut -outre l'influence politique au niveau international- et un Ben Bella voyait capturer le quatriėme envoi d'armes qu'il faisait a Boudiaf, responsable de la base marocaine de Nador, une immense portėe psychologique sur la population européenne traumatisée par les attentats dont Alger venait de connaitre les conséquences sangiantes.


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