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Le Blog de la guerre d'algérie, texte inédit, photos rare, des vidéos et interactions

Discours testament prononcé par le présidentBoudiaf le 29 juin 1992 à Annaba

L'économie du pays est passée par deux étapes. Le socialisme constituait la première expérience. Nous savons ce qui en est sorti. Cependant, c'est certain, il a donné quelques résultats... Passons rapidement sur ça, on n'est pas là pour critiquer... Aujourd'hui, il faut être réaliste avant toute chose. Et notre réalité est connue. Ce qui est encourageant, c'est que l'Algérie dispose de compétences et de richesses. En 30 ans, elle a formé des hommes, des jeunes cultivés et des cadres compétents. Ces richesses, qui sont agricoles, minières..., auraient pu permettre à l'Algérie d'avoir un statut.de se développer et surtout de sortir de la crise dans laquelle elle se débat car l'Algérie est en crise. N'ayons pas peur de le dire. Quelles sont les causes de cette crise ? Cette réunion n'est pas le lieu pour les passer en revue.
Aujourd'hui, nous sommes face à une crise. La dette est lourde, des projets sont moribonds, dans le secteur du bâtiment, par exemple, et comme dans tant d'autres secteurs encore. J'ai visité aujourd'hui, avec les autorités de cette wilaya, les réalisations ainsi que les projets qu'elles veulent réaliser. L'Algérie possède les compétences et les capacités pour sortir de la crise actuelle.
Quant à l'orientation économique du pays, elle est aujourd'hui claire. Après le socialisme, c'est l'heure de l'expérience libérale, de l'économie de marché. Je ne suis pas un spécialiste en économie, mais je voudrais clarifier certaines choses. Dans le pays existent deux secteurs économiques, l'un public et l'autre privé. Il faut assainir le secteur public. Cet assainissement, il faudrait que nous y allions d'une façon décidée. Le secteur public comprend deux parties : l'une en mesure de se redresser, que l'Etat s'engage à assister et à assainir pour qu'elle puisse se développer et donner des fruits. L'autre partie se trouve dans une grande faillite. A celle-ci, il faut également trouver une solution. Le secteur privé doit nouer des relations avec le secteur public. Nous avons appris qu'auparavant ils étaient antagonistes. Ce n'était ni dans l'intérêt de l'économie nationale, ni dans celui du pays. Il y a aussi les fonds de participation. Ceux-ci doivent être un instrument de redressement et d'assainissement, de promotion de la production nationale et d'aide aux projets productifs. La production est le fruit des matières premières et de la main d'oeuvre.
Dans les années précédentes, certains Algériens attendaient tout de l'Etat. L'Etat leur donnait tout. Mais cet Etat n'a pas les moyens de donner à tout le monde.
Il y a par exemple certaines couches - et je ne dis pas que le peuple algérien et la jeunesse ne travaillent pas et ne fournissent pas d'efforts, loin de moi cette idée - mais il y a des gens qui vivent dans le désoeuvrement. Ils refusent tel ou tel travail. Or nous savons que la main d'oeuvre est le premier facteur de progrès et de développement.
Au commencement se trouvent les idées et le travail. Les peuples qui ne fournissent pas d'efforts, qui ne travaillent pas et n'avancent pas, régressent. Cela est incontestable.
Il y a un autre problème, celui des impôts et du système fiscal. Les impôts sont indispensables. Ce n'est pas pour remplir ses caisses que l'Etat les prélève, mais c'est pour corriger certaines choses. Il faut comprendre que la finalité des impôts et du système fbc?!, n'est pas de pénaliser, mais au contraire d'établir des équilibres. Aussi, si nous entrons en économie du marché, il faut accepter certaines règles.
Par exemple, notre démarche est de faire en sorte qu'un ministre ou n'importe qui d'autre ne travaille pas isolément, mais en collaboration avec les hommes de terrain concernés, en vue de meilleurs résultats.
Comme notre démarche vise à promouvoir le progrès et l'intérêt national, je pense que tous les Algériens sont des patriotes, mais il faut que les cadres comprennent une chose, il existe des intérêts personnels, cela est indéniable, mais si nous faisons de ces intérêts personnels, le stimulateur et le moteur de l'humanité, la société ne se développerait pas. Aussi, j'attends de l'assistance, des cadres et de tous lesAlgeriens.de ne jamais perdre de vue que l'intérêt général doit être au-dessus des intérêts personnels.
On l'a constaté durant le mois de Ramadhan. Durant ce mois, on avait demandé au ministre concerné de veiller à empêcher la hausse des prix. C'est un phénomène en Algérie, dès qu'arrive le mois de Ramadhan, les prix montent au ciel. Il faut étudier d'où provient tout cela. Il y a une classe d'Algériens qui, pour leurs intérêts personnels, font flamber les prix, sans soucis des pauvres et des citoyens à faible revenu. Nous ferons la guerre à ces maux et à ces gens qui ont dévié et qui ont placé leurs intérêts au-dessus de l'intérêt national.
Tout ce que je dis là ne sont que des notes sur lesquelles je voudrais insister.
Autre chose : telle année par exemple, on parle de construire 60, 70 ou 80 000 logements.Vient la fin de l'année, aucun bilan n'est dressé. Or les bilans sont nécessaires. Il faut évaluer ce qui a été réalisé et ce qui ne l'a pas été parce que telle ou telle matière manquait. Cette évaluation permet d'apporter des correctifs.
Il y a un autre problème crucial, celui des cadres. Des pratiques destructrices sévissent en Algérie. J'ignore si elles ont cours ailleurs, peut-être ! Il s'agit de remerciements de cadres compétents et de travailleurs auquel procède systématiquement tout nouveau ministre. Il faut protéger ces forces vives de la nation. Dans ce but, nous allons promulguer une loi qui protégera et rassurera les cadres afin qu'ils travaillent pour l'intérêt général. De sorte que le ministre ou n'importe quel autre responsable ne pourra plus limoger tel cadre parce qu'il n'est pas de son bled, tel autre parce qu'il ne lui convient pas, et tel autre parce qu'il ne marche pas avec lui. Ces pratiques sont irresponsables. La question des cadres figure parmi nos priorités, qui sont le logement, la jeunesse et aussi la formation.
La stabilité des cadres constitue donc une priorité. Il faut donner un socle à ce pays. J'ai lu une étude sur le système français qui montrait que ce sont les commis de l'Etat qui détiennent les dossiers. Le gouvernement peut procéder à des changements, mais l'intérêt général n'est pas perdu de vue. Il faut donc protéger les cadres et les jeunes qui ont un rôle essentiel dans la société.
Pour toutes ces raisons, il faut revenir au Rassemblement patriotique. Il y a peut-être des gens qui n'ont pas compris ses objectifs et sa philosophie. L'idée-force du Rassemblement patriotique est qu'il ne saurait y avoir de progrès sans coopération entre le peuple et sa direction. Cette coopération est indispensable. Notre souhait est qu'ils retrouvent confiance en eux-mêmes et en leurs capacités de travailler. L'Etat leur donnera un cadre où travailler, l'Etat les aidera et les écoutera. J'ai tenu une réunion avec des étudiants et des jeunes. Ils ont d'innombrables problèmes. Ils ont un rôle dans cette société. En vérité, tout le monde a un rôle propre. Notre souhait est d'insuffler à tous la fibre patriotique. Que tout le monde sache qu'il a un rôle à jouer dans cette société.
Cette coopération doit avoir lieu à la base. Il faut amener celle-ci. Après la révolution, depuis 1962, il n'y a pas eu fusion entre la base et le sommet. Cette situation a généré des dysfonctionnements. Le citoyen ne croit pas au pouvoir ; il n'a pas confiance en son Etat. Il dit que tous les responsables sont des voleurs, qu'ils utilisent leur poste pour des privilèges personnels. Il faut bannir ça dans l'intérêt général. Nous souhaitons que le Rassemblement patriotique soit un cadre de rencontres pour tous les Algériens, un lieu où ils peuvent échanger leurs idées, quand bien même ils ne sont pas d'accord sur certaines démarches et certaines orientations. Le dénominateur commun sera l'intérêt général, celui de la société. Il faut s'entendre sur ce dénominateur commun, sur le slogan du Rassemblement patriotique, qui est l'Algérie d'abord et avant toute chose. Il faut savoir une bonne fois pour toutes que l'Algérie ne se développera que grâce à nous. Quand je dis nous, j'entends la base et le sommet. Tout les deux. Autre chose, il y a des circonstances qui ont fait de tel citoyen un responsable. Mais il est responsable pourquoi ? Pour des privilèges ? Pour se servir ? Non. Mor, je crois qu'il existe en Algérie des capacités. On l'a déjà constaté pendant la guerre de libération. Le peuple n'avait pas alors la liberté pour porter et programmer soi-même son avenir. Aujourd'hui, Dieu merci, nous sommes souverains. Si la guerre de libération a exigé ces sacrifices si énormes, la construction nécessite des sacrifices encore plus énormes parce qu'avec la formation de l'Etat, elle constitue le plus grand djihad. Cet Etat qu'il faut construire ne doit pas se confondre avec ses structures ou avec les personnalités qui le composent. Il n'y aura d'Etat que lorsque le peuple prendra conscience et que cet Etat émanera de lui.
Revenons à l'idée de démocratie. Le citoyen a le droit de choisir ses responsables. Il est impératif de s'entraider avec notre peuple. La conjoncture actuelle est provisoire, et découle du danger auquel était exposée l'Algérie. Ce danger est le fait de groupes ou d'idées religieux ou régionalistes qui voulaient imposer leur volonté au peuple. Ecartons tout ça. Dans ce peuple, il y a des gens qui ont telles ou telles idées. Notre souhait est de coopérer avec eux, même si nos idées sont différentes dans certains domaines, et faire en sorte que l'intérêt national soit au-dessus de tous les intérêts. Que l'Algérie et l'avenir de l'Algérie restent toujours présents en notre esprit. Notre souhait est que chaque Algérien qui se sent Algérien se calme et interroge sa conscience : que fait-il pour l'Algérie ? Quoi qu'il en soit, tout le monde a une famille, un travail, mais il y une cause supérieure : ce territoire est le nôtre, ce peuple est le nôtre, cette terre est la nôtre. Peut-être se trouvera-t-il des gens qui diront que c'est la main de l'étranger.
Prenons conscience, que notre bien est en nous et notre mal est en nous.
Cette conjoncture est provisoire. Le pays a été entraîné au bord d'une catastrophe. On voit l'œuvre de ces bandes d'extrémistes. Quel est l'intérêt de celui qui brûle un bus, un local ou dépose une bombe ? Est-ce pour arriver au pouvoir ? En toute franchise, mon souhait est de mettre en garde ces gens là. Le pouvoir est déterminé à débarrasser le peuple algérien de ces éléments néfastes. Dans cette conjoncture, l'un des objectifs du Haut Comité d'Etat est de restaurer l'autorité de l'Eut. J'ai dit que l'Etat ne se construit pas seulement d'en haut. La prise de conscience des citoyens est nécessaire. Si cet Etat est non valable, le peuple a la ressource de le changer par les urnes. L'Etat qui ne se respecte pas, ne sera pas respecté. C'est pour cela qu'il faut que les personnes qui sont dans les rouages de l'Etat, à tous les niveaux, honorent par leurs démarches, leurs comportements, leurs relations avec les citoyens, cet Etat basé sur des valeurs. Le peuple algérien est connu pour son esprit de résistance, sa dignité, sa noblesse. Beaucoup disent que les Algériens sont fiers. Où est notre fierté l Ce sont les valeurs qui constituent les nations. Le prince des poètes Chawki a écrit : «Les vertus et les valeurs constituent les nations. Lorsque s'en vont ces vertus, les nations disparaissent».
Les peuples dépourvus de valeurs ne sont pas des peuples. Certaines gens disent, et j'aimerais insister sur ça, que sévit la hogra, cela est vrai. Mais il y a certainement des gens qui méritent la hogra. Donnons un exemple. Dans la rue, un passant vole une femme devant 10 témoins qui ne réagissent pas. Ces gens là qui ont été témoins de brimades et qui ne les ont pas combattues, méritent les brimades. Si vous voulez éviter les dérives, il vous faut être honorables. Ou bien faut-il que l'Etat intervienne aussi pour que dans la rue... Cela est du ressort du citoyen, pas de l'Etat. Le citoyen a une famille, il est dans un environnement, il travaille. C'est par son comportement, ses valeurs, ses positions qu'il honore l'Etat qui l'a honoré d'une responsabilité. Si par exemple un responsable arrive au bureau à I I heures au lieu de 8 heures, comment voulez-vous que le simple travailleur n'arrive pas à midi ou 13 heures ?
Et ce simple travailleur aurait tout à fait raison de lui rétorquer, le cas échéant : et toi, pourquoi tu n'arrives pas à l'heure ?
L'exemple doit provenir du sommet. Mais ces gens qui dirigent ce peuple, qui ont des responsabilités, mais n'ont pas les vertus et les valeurs qui les rendent respectables...
L'objectif premier du HCE est de rendre respectable du sommet à la base.
Il y a des responsables qui restent cramponnés à leur poste une éternité. Les responsabilités sont limitées dans le temps. Il faut que le responsable soit à la hauteur, sinon qu'il cède la voie à des gens plus valables. Qu'ils se mettent à l'esprit qu'il existe des gens capables de les remplacer. La vie de l'être humain est courte. Demain, nous irons tous vers la mort. La compétence et l'intégrité sont nécessaires pour assurer des responsabilités. La personne doit occuper son poste pour travailler, fournir des efforts.
Le deuxième objectif du HCE est de rendre la tranquillité aux citoyens. Le pouvoir actuel doit en finir avec les actes de violence. Le ministre de la Défense a fait une déclaration dernièrement où il a affirmé que nous sommes vigilants et que nous ferons tout pour extirper de l'Algérie ces éléments qui sèment l'anarchie et la destruction. Nous ne reviendrons pas en arrière.
Le troisième objectif du HCE est relatif au processus démocratique. Il faut revenir à la démocratie, mais à une véritable démocratie, pas à une démocratie source d'anarchie, d'allégations et de rumeurs.
Les gens qui ont des compétences doivent être valorisés. Ce sont celles là qui doivent être aux avant-postes. Dans l'avenir, si Dieu veut, nous ferons en sorte d'accorder à la science une place primordiale. Le problème de l'Algérie n'est pas religieux. L'Islam est la religion de tous, pas celle de quelques individus.Zeghloul Pacha a dit :«La religion est à Dieu et la patrie à tout le monde». Comment pouvons-nous connaître le for intérieur des gens ? Laissons Dieu être juge. L'Islam est ancré en Algérie. Il ne faut pas se pencher sur ça car nous sommes tous musulmans. Il y avait un homme qui faisait sa prière... Ali, que Dieu l'honore, rencontra un bédouin qui a accompli sa prière.Ali lui dit :«Ta prière n'est pas valable». «Pourquoi cela ?», rétorqua l'homme. «Pour telle et telle raison», répondit Ali. «Refais ta prière». Le bédouin s'exécuta puis s'inquiéta de la validité de sa prière. Ali lui dit alors : «C'est la première prière qui était valable. Elle était adressée à Dieu. La dernière était adressée à moi».
Ce sont les intentions qui valident les actions. Celui que Dieu n'a pas placé dans le droit chemin, ne le sera pas par l'homme. Je n'ai pas à demander des comptes à un homme, fait-il ou non la prière. Si Dieu le place dans le droit chemin, tant mieux. La prière éloigne des turpitudes. La religion est dans le cœur. La religion est dans les actions, les comportements, la conduite et la dignité.Tels sont les sujets sur lesquels on devrait se pencher en matière de spiritualité...
Le dernier objectif est qu'il faut revenir à la démocratie, mais à une démocratie qui doit être transparente. Une démocratie où les Algériens voteront pour des citoyens qui ont un projet et un programme et qui seront engagés par ce programme. Les citoyens ont le droit de connaître ces programmes. Aujourd'hui, l'économie est devenue vaste, le monde
aussi. L'Islam est compatible avec les changements. Les véritables musulmans doivent être convaincus du progrès. La société qui mérite le meilleur, n'accepte pas n'importe quoi. Avec quoi nous ont surpassés les autres nations ? Elles nous ont surpassés par la science. Et la religion musulmane... (des coups de feu crépitent. Le président Boudiaf est assassiné).

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