Le Blog de la guerre d'algérie, texte inédit, photos rare, des vidéos et interactions
Mais son coup de maître a pour nom Rosa, surnom de Zohra Tadjer. En janvier 1958, Léger approche cette jeune militante FLN qui vient d’être arrêtée. Il s’arrange pour mettre à sa portée les noms de quelques-uns des bleus de chauffe, en étoffant la liste de militants qui n’ont absolument pas trahi le Front. Puis il la libère. Elle se précipite dans le maquis pour prévenir ses camarades qu’ils sont infiltrés, mais elle est arrêtée par Hacène Mahiouz, chef FLN de la zone.
Mahiouz, combattant plutôt fruste, est plein de méfiance à l’égard de ces filles qui se targuent de libérer l’Algérie. Il fait torturer Rosa. Elle livre tous les noms des bleus de chauffe fournis par Léger, les vrais comme les faux. Mahiouz prévient aussi tôt Amirouche. Celui-ci, fou de rage, en déduit que toute la wilaya est infiltrée et lui ordonne de couper les branches pourries.
Pour ce faire, il décide alors d'un plan de riposte, comme suivants:
Hacène Mahiouz qui sera très vite connu sous le nom de (Hacène la Torture) déclenche alors une campagne de purges sanglantes, dès Mars-Avril on exécute a tour de bras en Kabylie.
Il s’en prend aux nouveaux, ces jeunes issus de milieux favorisés, ces «intellectuels» des villes montés au maquis après la répression française à Alger en 1957. Étudiants, médecins, infirmières. Rien que dans la wilaya III, Mahiouz, déterminé à soigner la «bleuite», dresse une liste de 3000 «suspects» qui seront interrogés, torturés et égorgés pour la plupart.
Littéralement obsédé par l'idée du complot bleu, Amirouche tente de mettre en garde ses homologues au sujet de "la découverte d'un vaste complot ourdi depuis de longs mois par les Services secrets français avec la complicité d'éléments les plus divers" dans un message adressé aux colonels de l'intérieur et au CCE, le 03 août 1958.4
En Kabylie et dans l'Algérois, des centaines de combattants du FLN périront sous les couteaux de leurs propres camarades. C’est la guerre psychologique poussée jusqu’à son paroxysme. Un modèle d’opération d’intox et d’infiltration. Le capitaine Léger n’en avait jamais espéré autant...
Cinquante ans après l'indépendance, Aït-Mehdi Mohamed Amokrane s'indigne encore: "Il est sûr que, partis pour mourir, pour la gloire et l'honneur, ils furent affreusement mutilés et achevés avec l'étiquette de traîtres".
Il ajoute: "Malgré le silence et la discrétion qui entouraient ces évènements, des rumeurs me parvenaient parfois. On parlait des bleus, chose que je ne comprenais pas. Tous les Djounoud parlaient de bleuite. Ils étaient tous convaincus que tout ce monde qui avait été torturé avait trahi. Cependant et très souvent, ils doutaient, car il s'agissait souvent d'hommes exemplaires".
Il conclut: "Un grand malheur s’abattait sur la wilaya III qui détruisait les siens et s’acharnait sur eux avec la bonne volonté du Comité de Wilaya et de certains secrétaires également pris au piège de l’ennemi qui, sûrement informé de ce qui se faisait, n’entreprenait aucune opération de ratissage".5
Puis il s'intéroge: "Peut-on -à ce stade- en déduire que toute la responsabilité incombait au colonel Amirouche?"
La responsabilité de tout ces morts revient à l’armée française selon l'avis de Abdelhamid Mehri, qui se confie dans un témoignage.6
Mais aussi aux responsables de la wilaya III qui ont persuadé le colonel Amirouche de l'existence d'un complot contre la révolution, qui géraient les interrogatoires, les tortures, etc... dont Hacène Mahiouz ou encore Rachid Adjaoud, détiennent une grande part de responsabilité, selon Aït-Mehdi Mohamed Amokrane.
Il avait peut-être subi l’influence de ses conseillers trop zélés? Que les membres du conseil de Wilaya qu’il avait consultés auparavant ont approuvé son action ou n'ont pas exposé clairement leur opposition, mais il est vrai aussi qu'Amirouche ne pouvait, pour toutes ces raisons, être dédouané de tous ces massacres. En tant que chef de Wilaya, il en porte l'entière responsabilité devant l'Histoire. Il n’avait pas le droit, à son niveau, de commettre une telle bavure [...] selon Djoudi Attoumi, responsable ALN au PC de la wilaya III.
Le nombre des victimes de la bleuite quant à lui ne fait pas l'unanimité entre témoins et chercheurs, le chiffre va très souvent varier entre 300 et 700, selon différentes sources, mais qui du côté français le général Jacquin évoquait "2500 rebelles exécutés après jugements, mais il eut aussi beaucoup d'exécutions sommaires..."7 une évaluation similaire qui fera état de "près de 2000 morts" sera cité par Mohammed Harbi, sur fond d'un rapport de Hocine Zahouane au GPRA daté du 29 juin 1960.8
Face a la question des chiffres, au moins pour Rachid Adjaoud -alors membre du «comité d’épuration»- la réponse est sans faille, "Les ministères des Moudjahidine et de la Défense nationale détiennent, avec exactitude, le nombre des personnes qui ont été épurées".9
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