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La Croix-Rouge pendant la guerre d'Algérie
La Croix Rouge pendant la guerre d'Algérie
Au début de l’année 1955, le CICR*, qui a déjà un délégué honoraire en Algérie, Roger Vust, offre ses services au gouvernement français afin de pouvoir entreprendre une action humanitaire en Afrique du Nord. Cette démarche est effectuée par le délégué du Comité international de la Croix-Rouge à Paris, William Michel, qui adresse, le 1er février 1955, une lettre au président du Conseil des Ministres, Pierre Mendès France, dans laquelle il lui propose que le CICR puisse: «exercer sur les territoires de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, certaines de ses activités traditionnelles ci-dessous énumérées:
1. Recevoir communication de la liste nominative des personnes arrêtées à la suite des événements (condamnés, prévenus, ventuellement suspects).
En outre, le Comité international de la Croix-Rouge estimerait désirable que les familles des détenus puisse, si ce n’est pas déjà le cas, avoir à bref délai communication du fait de leur détention.
2. Etre autorisé à visiter les lieux d’internement et de détention où se trouvent ces personnes, étant entendu que l’objet de ces visites serait strictement limité au régime de la détention et n’en concernerait aucunement les motifs. Il serait souhaitable que le délégué du Comité international pût, au cours de ces visites, s’entretenir sans témoin avec les détenus. Il va de soi que ce délégué ne manquerait pas d’exposer, s’il y avait lieu, aux autorités compétentes les constatations qu’il aurait pu faire à la suite de ses visites.
3. Faciliter et au besoin organiser – vraisemblablement – avec le concours de la Croix-Rouge française, l’échange de correspondance entre les détenus et leurs familles ou la Croix-Rouge. Cela peut se faire, par exemple, au moyen des formules de messages Croix-Rouge, de caractère exclusivement familial, en usage depuis bien des années dans divers pays.
4. Etudier et aménager une éventuelle distribution aux détenus de certains secours (matériels ou intellectuels) cela sans doute avec le concours de la Croix-Rouge française.
5. Etudier dans les mêmes conditions une éventuelle action d’assistance en faveur des familles des détenus ou internés que les événements, les privant de leur soutien naturel, peuvent avoir mises en difficulté».Le délégué termine sa lettre en précisant que l’action du CICR s’exercerait dans un but strictement humanitaire et ne donnerait lieu à aucune publicité.
Durant le deuxième semestre de l’année 1955, les événements d’Algérie prenant une tournure de plus en plus grave, le CICR engage de nouvelles démarches auprès du gouvernement français afin de pouvoir envoyer sur place une seconde mission. Simultanément, il s’fforce de nouer des contacts avec des personnalités proches des nationalistes algériens afin d’attirer leur attention sur l’obligation faite à chacun de respecter les règles fondamentales du droit international humanitaire.
C’est finalement avec des représentants de la révolution algérienne au Caire qu’un délégué du CICR, David de Traz, parvient à entrer en contact en février 1956.
Le 23 février 1956, la délégation algérienne au Caire adresse au délégué du CICR, David de Traz, une lettre signée: «Pour le Front de Libération Nationale: Mohamed Khider et pour l’Armée de Libération Nationale: Ahmed Ben Bella»
Dans cette lettre, les signataires s’engagent à appliquer les dispositions des Conventions de Genève à tous les «prisonniers de guerre français» pris par l’ALN, «sous réserve de réciprocité de la part du Gouvernement de la République Française».
Cette réserve revêt une importance capitale car la France ne reconnaît pas l’applicabilité des quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 au conflit algérien; en effet, ces Conventions concernent les conflits armés internationaux et, pour la France, le conflit algérien est un conflit non international auquel ne pourrait s’appliquer que l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève.
En fait ce n’est que le 23 juin 1956 que, par la voix de Guy Mollet, alors président du Conseil que le gouvernement français reconnaîtra officiellement l’applicabilité de l’article 3 au conflit algérien. Mais les Algériens, qui veulent affirmer le caractère international du conflit, réclament l’application de l’ensemble des quatre Conventions de Genève.
Au début de l’année 1956, le CICR n’a toujours pas reçu du gouvernement français l’autorisation d’envoyer une nouvelle mission en Algérie; Le président du CICR, Léopold Boissier, se rend alors à Paris où il est reçu, le 26 mars, par le président du Conseil des Ministres, Guy Mollet, qui accueille favorablement la proposition que des délégués du CICR visitent les lieux de détention d’Algérie.
Le 6 avril 1956, le gouvernement français annonce au CICR qu’il accepte l’envoi d’une nouvelle mission en Algérie. L’objet de cette mission sera de:
«1.Visiter les camps d’hébergement ou d’éloignement dans lesquels ont été rassemblés les internés administratifs;
2. Entreprendre les visites des lieux de détention où se trouvent les personnes poursuivies à la suite des événements.Selon l’usage,les délégués du Comité international de la Croix-Rouge pourront,au cours de leur visite aux personnes visées à l’alinéa précédent et au présent alinéa, s’entretenir sans témoin avec elles.
3. Le cas échéant, prévoir une distribution de secours (matériels ou intellectuels) aux détenus;
4. Proposer aux autorités françaises compétentes telle autre action humanitaire qui pourrait paraître opportune».En outre, cette autorisation est donnée sous les réserves et précisions suivantes:
«1. L’activité de la mission revêtira le caractère, non d’une enquête, mais d’une visite d’ordre strictement humanitaire, à l’exclusion de toute recherche sur la situation juridique des intéressés;
2. Les secours devront être distribués par des organismes français agréés par le Gouvernement;
3. Les constatations et conclusions des membres de la mission seront communiquées aux seules autorités françaises; elles ne feront en aucun cas l’objet de rapports publics».Cette autorisation enferme l’action du CICR dans un cadre relativement étroit, mais elle n’en représente pas moins un élargissement substantiel par rapport à l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949.
Ainsi, du 12 mai au 28 juin 1956, cinq délégués du CICR: Claude Pilloud, René Bovey, Pierre Gaillard ainsi que les docteurs Gailland et Willener visitent en Algérie 61 centres d’hébergement et lieux de détention répartis sur tout le territoire algérien.
le 23 juin, Guy Mollet en fait état publiquement dans un discours prononcé à la Maison de l’Amérique latine à Paris; il déclare à cette occasion que, conformément à l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève, le gouvernement français a autorisé des délégués du CICR à visiter en Algérie des camps d’hébergement et des lieux de détention.
Lors de la mission de David de Traz au Maroc, en octobre 1956, ses interlocuteurs l’informent de leur décision de créer un «Croissant-Rouge algérien» et, le 10 janvier 1957, un communiqué du journal du FLN, Résistance algérienne, annonce la création du «Croissant-Rouge algérien»; le 14 mars 1957, le président de ce Croissant-Rouge, Omar Boukli Hacène, demande la reconnaissance officielle de sa Société par le CICR; le 29 avril 1957, le CICR l’informe qu’il ne peut reconnaître le «Croissant-Rouge algérien» car celui-ci ne remplit pas les conditions de reconnaissance approuvées par la XVIIe Conférence internationale de la Croix-Rouge, réunie à Stockholm en 1948, notamment celle qui stipule que la Société nationale doit exercer son activité sur le territoire de l’État dont elle porte le nom et qui doit, lui, être indépendant. Cependant le CICR se déclare prêt à entretenir des relations de travail avec le «Croissant-Rouge algérien» pour l’accomplissement de tâches humanitaires.
Dans les mois qui suivent, le «Croissant-Rouge algérien» multiplie les démarches pour être admis à participer à la XIXe Conférence internationale de la Croix-Rouge qui doit se tenir à La Nouvelle Delhi; il n’y sera pas invité mais le sort de la population algérienne y sera largement évoqué et fera l’objet d’une résolution.
Depuis l’accession du Maroc à l’indépendance, le 2 mars 1956, des civils algériens –en majorité des femmes, des enfants et des vieillards– qui fuient les combats, se réfugient sur sol marocain.Ces populations se replient en catastrophe et leur situation ne tarde pas à devenir très difficile. Au printemps 1957, les délégués du CICR qui se rendent sur place évaluent le nombre de ces réfugiés, établis par groupes disséminés tout au long de la frontière algéro-marocaine, à environ 40 000.
Grâce notamment aux dons qu’il reçoit à cet effet de plusieurs Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, le CICR décide d’entreprendre une action de secours en faveur de ces réfugiés. Avec l’accord des autorités marocaines, les délégués du CICR leur distribuent régulièrement des vivres et des vêtements.
Des civils algériens se sont également réfugiés en Tunisie –indépendante depuis le 20 mars 1956 – et, en juin 1957, les autorités et le Croissant Rouge tunisiens sollicitent l’aide du CICR en leur faveur. Le délégué du CICR envoyé sur place constate la présence de quelque 5000 réfugiés dans la région frontalière et, dès la mi-août, le CICR organise, en collaboration avec le Croissant-Rouge tunisien, des distributions de vivres puis de vêtements et de couvertures à ces réfugiés.
Au début de l’année 1958, pour la première fois, un délégué du CICR est autorisé à visiter des prisonniers détenus par l’ALN: le 30 janvier 1958, Jean de Preux, venu de Tunis, visite, sur sol algérien près de la frontière tunisienne, quatre prisonniers français capturés dans la région. Le CICR n’a pas demandé l’autorisation des autorités françaises pour effectuer cette visite ; il s’est contenté d’informer les autorités militaires sur place en leur suggérant de «fermer les yeux sur le passage clandestin de la frontière par ses délégués».Ce passage de la frontière par un délégué dans une semi-clandestinité constitue, un fait sans précédent dans l’histoire du CICR. Il s’explique vraisemblablement par les enjeux politiques d’alors et les positions opposées qui étaient celles des parties au conflit:
le FLN prétendait contrôler une portion du territoire algérien et revendiquait à ce titre une forme de reconnaissance internationale; la France affirmait contrôler tout le territoire algérien, tout en reconnaissant que la «Ligne Salan» (ligne militaire longeant la frontière tunisienne) ne s’appuyait pas exactement sur la frontière algéro-tunisienne mais se trouvait un peu en retrait.
Or l’enjeu humanitaire était important puisqu’il s’agissait de rencontrer quatre prisonniers français jamais visités jusqu’alors, d’où le risque pris par le CICR.
Le 20 octobre 1958, l’ALN décide de libérer les quatre prisonniers visités au début de l’année; ils sont remis à deux délégués du CICR au siège du Croissant-Rouge tunisien.
Les 15 et 18 mai 1959, suite à de nombreuses démarches du CICR auprès du GPRA, le FLN libère, dans la nature, en Kabylie, quinze prisonniers français –dont six civils– et un ressortissant suisse qui étaient détenus dans le maquis kabyle depuis des mois; aucun représentant du CICR n’assiste à cette libération qui, pour des motifs de sécurité militaire, ne peut évidemment s’effectuer que dans la clandestinité.
Durant les mois qui suivent, le CICR obtient encore quelques libérations de personnes captives de l’ALN et, à la fin de l’année 1959, le total des personnes libérées par l’ALN s’élève à quarante-cinq.
En été 1957, les Croissants-Rouges syrien et jordanien s’adressent à la Ligue pour l’informer que la Croix-Rouge française refuse de soigner les «nationalistes algériens» et les «victimes algériennes des événements» et que les autorités françaises empêchent les médecins de leur porter assistance.
La Ligue ayant communiqué ces deux lettres de protestation au CICR, celui-ci les transmet, selon la coutume établie en pareil cas, à la Croix-Rouge française qui lui répond en niant les faits allégués et en ajoutant que, bien souvent, les ambulances et le personnel infirmier de la Croix-Rouge française sont attaqués par la population indigène.
En mai 1958, suite à l’exécution de trois soldats français par le FLN, le CICR intervient auprès du «Comité de coordination et d’exécution» du FLN, réuni en session au Caire, pour qu’il mette fin à de telles mesures de représailles; en outre, il adresse au gouvernement français et au FLN un mémorandum les enjoignant à respecter les principes fondamentaux du droit international humanitaire.
Ferhat Abbas l’assure alors que des instructions précises ont été données aux combattants afin que les prisonniers soient humainement traités mais le contrôle est difficile vu l’extrême dispersion des unités en constant mouvement; de plus les commandants locaux, témoins de bombardements aériens qui provoquent de graves pertes pour la population civile, sont enclins à recourir aux représailles.
Le 11 juin 1960, le GPRA informe le CICR de sa décision d’adhérer aux Conventions de Genève du 12 août 1949; sans se prononcer sur l’aspect juridique de cette adhésion, le CICR l’enregistre comme une réponse positive à son mémorandum de 1958. Il reprend donc ses démarches auprès du GPRA afin de mettre au point les mesures pratiques d’aide aux prisonniers détenus par l’ALN telles que:
communications des listes nominatives de ces prisonniers ainsi que des messages familiaux et autorisations de visites de délégués du CICR. Mais ces démarches n’aboutissent à aucun résultat.
Durant l’année 1960, les autorités françaises n’autorisent pas le CICR à envoyer des délégués visiter les lieux de détention en Algérie car ceux-ci font l’objet d’une réorganisation. Celle-ci est vraisemblablement consécutive aux constatations faites par les délégués et à la publication du contenu de leurs rapports dans les média français. En revanche, le CICR peut poursuivre ses visites aux Algériens détenus en France.
En 1961, le CICR est à nouveau autorisé à visiter des détenus en Algérie; ses délégués y effectuent donc trois séries de visites au cours desquelles ils se rendent dans 124 lieux de détention.
Parallèlement, les délégués du CICR continuent à visiter les Algériens détenus en France. Ainsi de mars à juillet 1961, ils visitent 20 lieux de détention.
Une nouvelle série de visites en France se déroule du 5 au 20 novembre, au moment où la plupart des Algériens détenus font la grève de la faim; Les délégués se rendent donc à l’hôpital de Garches où sont internés trois ministres du GPRA: Ben Bella, Aït Ahmed et Khider; à l’issue de leurs entretiens avec ces ministres, ils soumettent aux autorités françaises certaines propositions visant à améliorer le sort des détenus; elles les acceptent; le CICR en informe les détenus algériens qui décident alors de mettre un terme à leur grève de la faim.
Une dernière visite aux Algériens détenus en Algérie est effectuée en mai 1962.
Suite à la proclamation du cessez-le-feu, le 19 mars 1962, les attentats de l’OAS se multiplient dans toute l’Algérie et le délégué permanent du CICR à Alger, Roger Vust, tente de faire parvenir des secours aux blessés ; il est rejoint par Pierre Gaillard qui établit, avec les autorités algériennes et le Haut-Commissaire de France, un plan d’action d’urgence, notamment pour l’assistance médicale à la population civile, les visites aux prisonniers, la recherche des disparus et les secours aux populations regroupées. ou des équipes médicales du CICR arrivent en Algérie.----------------------------------
- *. Comité international de la Croix-Rouge
- pour plus d'information, L’action du Comité international de la Croix-Rouge pendant la guerre d’Algérie (1954-1962). Par, Françoise PERRET.
Tags : croix rouge, algerie, guerre, france, tunisie, maroc, droit de l homme, ferhat abbas, françoise perret, cicr, mohamed khider, guy mollet, ben bella
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